Ce qui ressemble à «transporter une maison» est en réalité rendre la voix à la communauté.
En 2025, la synagogue en bois du village de Veliki Komiaty sera déplacée au Musée d’architecture et de mode de vie populaire de Transcarpatie à Oujhorod (Skansen d’Oujhorod). Cela a été annoncé le 18 septembre 2025 par la Communauté juive unie d’Ukraine sur Telegram.
Cette décision est entérinée par un mémorandum : le département de la culture de l’administration régionale de Transcarpatie, le consulat général de Hongrie, le rabbin d’Oujhorod et de Transcarpatie Mendel Wilhelm et la direction du musée agissent ensemble. Après le montage — restauration et reconstitution de l’intérieur «selon les canons», et non «pour l’apparence». De tels projets sont rares car ils nécessitent la volonté unifiée de plusieurs mondes à la fois — administratif, diplomatique et religieux.
Où tout cela se passe et pourquoi précisément là
Veliki Komiaty se trouve dans la vallée de Borzhava — une région avec des jardins sans fin et l’habitude de regarder au-delà des marchés. Le village est mentionné dans les sources dès le XIVe siècle; les anciennes chroniques tirent des fils vers les propriétaires hongrois, vers les foires voisines, vers la route de Berehove et Vynohradiv.
Sur cette «terre de jonction», Ukrainiens, Hongrois et Juifs ont vécu pendant des siècles — et pas seulement côte à côte, mais avec une logique de vie commune : champ, marché, samedi, fêtes, affaires de voisinage.
Comment sonnait le quotidien juif
Au début du XXe siècle, la communauté s’était définitivement formée. Entre les guerres mondiales, environ 416 Juifs vivaient à Komiaty (recensement de 1921). La plupart étaient des agriculteurs, puis des artisans, des commerçants, des gens avec une «courte distance» jusqu’au marché et une longue jusqu’à la famille dans les localités voisines. Les centres d’attraction étaient le heder, le cimetière et, bien sûr, la synagogue — non pas une synagogue urbaine majestueuse, mais rurale, chaleureuse, «faite de ses propres mains».
Un cimetière qui parle à voix basse, mais de manière convaincante
Il est facile à trouver : à l’intersection des rues Molodizhna et Vatoutine. Environ 80 stèles sont enregistrées; les datations vont de 1832 à 1942; le périmètre est d’environ 215 m. Ce n’est pas une «exotique pour le touriste», mais une chronique des familles dans la pierre : noms, formules de deuil, orthographes locales — tout ce qui ramène sensiblement la vie d’avant-guerre de l’abstraction à la réalité.
Une synagogue qui «faisait semblant» d’être une maison
De l’extérieur — des murs blanchis, un toit à deux pans soigné, aucune trace de faste décoratif.
Mais la construction est rare : une charpente en bois, des murs en noisetier tressé avec un enduit d’argile et un badigeon à la chaux — cette technique crée l’illusion de la pierre, bien que le bâtiment reste essentiellement un bois «respirant». En 1992, des architectes de Lviv ont pris des mesures (environ 13,8 × 7,9 m) et ont enregistré les détails clés; encore plus tôt, la chercheuse hongroise Aniko Gazda avait attiré l’attention sur l’objet, grâce à qui la synagogue rurale est sortie de l’ombre. Selon la datation — fin du XIXe / première moitié du XXe siècle.
Pourquoi dans le village «pas de pierre»? Parce que le bois et la vigne ont toujours été maîtrisés ici, et la technique «treillis + argile + badigeon» est à la fois bon marché, chaude et à portée de main.
Ce qu’elle est devenue après la guerre
L’histoire, hélas, est typique pour la région : l’Holocauste interrompt la communauté, la maison de prière perd ses fidèles et se transforme en «rien de défini». Pendant des décennies, elle a été utilisée comme local de stockage; l’intérieur disparaissait par couches. Dans les années 2010, les sources enregistrent : propriété privée, «entrepôt», «abandonné» — un vocabulaire de désespoir où chaque définition accélère la destruction.
Pourquoi a-t-on décidé de la déplacer plutôt que de «la soigner sur place»
Pour les objets en bois fragiles, le débat «in situ ou déplacement» est éternel.
À Komiaty, les arguments en faveur du Skansen sont évidents : pas de protection stable, pas de financement pour un cycle complet de travaux sur place, et la construction est vulnérable à l’humidité et au temps. Dans le musée en plein air, le bâtiment reçoit une infrastructure, une équipe de restauration, un régime, et surtout — un contexte. Là, le visiteur se pose automatiquement la question «qui priait ici?», et l’exposition commence à expliquer non seulement elle-même, mais aussi la communauté.
La décision est officiellement prise et liée au temps — année 2025.
Ce que nous verrons à Oujhorod : pas une «petite maison», mais une histoire en visages
Le musée promet non pas une «boîte» poussiéreuse, mais un récit : comment sont organisées les petites synagogues rurales; où se trouve la bima, où est l’Aron-ha-Kodesh; pourquoi la galerie des femmes et pourquoi la façade «modeste» n’a jamais gêné la dignité de l’espace intérieur. Idéalement, il y aura à côté des photos d’archives et des mini-récits sur les familles de Komiaty — un de ces cas où quelques cartes et leur légende expliquent plus qu’un long paragraphe.
C’est important non seulement pour la Transcarpatie
Pour l’Ukraine — c’est un signe de respect pour le patrimoine des minorités nationales et une conversation honnête sur l’histoire multivocale du pays.
Pour Israël et la diaspora — le retour de la mémoire des «petites communautés» d’Europe de l’Est, presque toujours absentes des grands récits muséaux.
Pour les chercheurs — un précieux échantillon «vivant» avec une technique murale rare et des mesures documentées.
Pour les habitants du district — une occasion de voir leur village sous un nouveau jour : non seulement des potagers et des marchés, mais aussi un ancien paysage culturel où coexistaient temple, synagogue et foire dominicale.
Chronologie (pour ceux qui aiment les résumés)
- XIVe siècle — premières mentions écrites de Veliki Komiaty.
- Fin XIXe / début XXe siècle — construction de la synagogue en bois.
- 1921 — ≈416 Juifs dans le village; heder, artisanat, commerce.
- Années 1940 — communauté détruite; le bâtiment perd sa fonction.
- Années 1980 — Aniko Gazda «découvre» l’objet pour la science.
- 1992 — mesures de Lviv : plan, dimensions, détails.
- Années 2010 — photofixation des pertes; statuts «entrepôt/abandonné».
- 2025 — déplacement au Skansen d’Oujhorod et restauration.
FAQ
Où est-elle maintenant et où est-elle transportée?
Village de Veliki Komiaty (district de Berehove) → Musée d’architecture et de mode de vie populaire de Transcarpatie (Oujhorod, Skansen).
Pourquoi un déplacement et non une «réparation sur place»?
Pas de conditions stables et de protection; pour le bois, le temps joue contre. Le Skansen offre une équipe, un régime, un contexte et un public.
En quoi cette synagogue est-elle unique?
Charpente en bois + murs tressés avec argile et badigeon (imitation de pierre); type rural compact; mesures ~13,8×7,9 m.
Reste-t-il des traces de la communauté?
Oui : cimetière (rue Molodizhna/Vatoutine), ~80 stèles, 1832–1942, périmètre ~215 m.
