33e session d’affilée. La même résolution. Les mêmes applaudissements dans la salle de l’ONU à New York. Et encore une fois, la grande majorité des États du monde condamne l’embargo économique des États-Unis contre Cuba.
Mais cette année a été différente. Pour la première fois depuis des décennies, l’Ukraine est sortie du rang habituel des soutiens à La Havane et s’est alignée avec les États-Unis et Israël, en votant « contre ».
Le vote de 2025 a eu lieu le 29 octobre 2025.
- La résolution s’intitulait : « Nécessité de mettre fin à l’embargo économique, commercial et financier imposé par les États-Unis d’Amérique contre Cuba ».
- Le projet de résolution a été présenté par Cuba (qui restait presque chaque année l’initiateur) en tant que document de l’Assemblée générale sous le symbole de type A/79/L.6 (ou similaire pour la session spécifique).
165 pays — « pour » Cuba.
12 — se sont abstenus.
7 — « contre » : États-Unis, Israël, Ukraine, Hongrie, Paraguay, Macédoine du Nord et Argentine.
C’est ce chiffre — « 7 » — qui a défini le ton des commentaires mondiaux. Ce vote est devenu un révélateur d’une nouvelle réalité : le monde se polarise à nouveau, et les lignes de fracture passent non seulement par les économies et les civilisations, mais par le destin de ceux qui vivent sous la menace et la guerre.
Pas seulement de la diplomatie : la voix des pays qui combattent ou vivent au bord de la guerre
Pour la plupart des pays, le vote annuel sur Cuba est plutôt une tradition diplomatique et un geste symbolique.
Pour l’Ukraine et Israël, c’est un choix qui repose sur une stratégie de défense et une survie politique.
Les deux pays dépendent du soutien militaire, du renseignement, technologique et financier des États-Unis. Les deux font face à des menaces qu’ils qualifient officiellement d’existentielles.
Et dans les deux cas, le vote à l’ONU n’est pas une déclaration sur Cuba. C’est un message sur qui est à vos côtés lorsque les sirènes retentissent et que les missiles volent.
Position de l’Ukraine : du soutien à Cuba à un virage radical
L’Ukraine a voté pendant des décennies en faveur de la résolution cubaine.
Le virage est lié à deux facteurs directs :
- Soutien public de Poutine par la direction cubaine.
- Recrutement de citoyens cubains pour participer à la guerre russe contre l’Ukraine.
Le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Andriy Sybiha, a expliqué la position de Kiev avec retenue diplomatique :
- Kiev se souvient des déclarations de La Havane sur les « succès souhaités de la Russie ».
- L’Ukraine a fermé son ambassade à La Havane et a réduit le niveau des relations diplomatiques.
- La partie ukrainienne a constaté la participation massive de Cubains, recrutés sous contrat, dans les rangs des troupes russes.
L’Ukraine a souligné : la décision n’est pas dirigée contre le peuple cubain. Elle est dirigée contre les actions des autorités cubaines, qui, selon Kiev, participent au soutien de l’agression russe par l’inaction et la position politique.
Ce vote ne concerne pas les Caraïbes. C’est un vote sur la guerre qui se déroule sur le Dniepr.
Position d’Israël : continuation de la ligne stratégique
Israël vote contre la résolution cubaine depuis longtemps.
Pour Jérusalem, c’est une partie d’une ligne de politique étrangère pro-américaine cohérente.
Les raisons sont bien connues :
- Les États-Unis sont un allié militaire et politique clé d’Israël.
- Le soutien des États-Unis est le fondement de la doctrine de défense du pays.
- Cuba a historiquement soutenu des positions anti-israéliennes, y compris le soutien à des États et mouvements hostiles à Israël.
De plus, Israël vit sous la menace immédiate d’une confrontation de longue date avec l’Iran et ses structures proxy. Dans une telle situation, le pays ne peut pas se permettre de dériver diplomatiquement.
Le vote d’Israël a de nouveau montré : la politique étrangère de Tel-Aviv n’est pas de la rhétorique, mais un calcul stratégique.
Les abstentions : une « zone grise » diplomatique
12 États ont tenté de rester à l’écart : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Costa Rica, Tchéquie, Équateur, Estonie, Lettonie, Lituanie, Maroc, Pologne, Moldavie, Roumanie.
Ce sont des motivations diverses :
- Une partie des pays de l’Union européenne et de l’Europe de l’Est équilibre entre la loyauté envers l’Occident et le désir de ne pas détériorer les relations avec l’Amérique latine et le Sud global.
- Certains restent prudents face à la turbulence mondiale.
Mais le fait clé : cela n’a pas changé la ligne de fracture.
La majorité — avec Cuba.
Un petit bloc — avec les États-Unis.
Une partie — essaie de ne pas perdre les ponts entre deux mondes.
Qu’est-ce que l’embargo contre Cuba : une brève histoire
L’embargo des États-Unis est l’un des régimes de sanctions les plus longs de l’époque moderne.
- 1959 — révolution à Cuba, nationalisation des biens des entreprises américaines.
- 1960 — début des restrictions commerciales.
- 7 février 1962 — le président John Kennedy signe la Proclamation 3447 :
embargo commercial et économique total. - 1996 — la loi Helms-Burton élargit les restrictions et les rend extraterritoriales, affectant même les affaires des pays tiers.
- 2015–2017 — assouplissement temporaire des sanctions et détente diplomatique sous l’administration Obama.
- Après 2017 — durcissement sous l’administration Donald Trump, maintien du cap par la suite.
Cuba appelle cela un blocus (bloqueo) et affirme que les restrictions nuisent aux citoyens, entravent l’accès aux technologies, à la médecine et aux ressources financières.
Les États-Unis déclarent que les sanctions visent à faire pression sur le régime autoritaire et à soutenir les droits de l’homme.
L’ONU évalue chaque année ce système comme une violation des principes du libre-échange et du droit international — et chaque année, à la majorité des voix, appelle à son annulation.
Mais le vote annuel est aussi un symbole :
d’un côté — la majorité mondiale,
de l’autre — la réalité politique et économico-militaire des États-Unis et de leurs alliés.
Nouveau signal au monde : les guerres changent les habitudes diplomatiques
Ce qui se passait depuis des décennies comme un rituel a pris en 2025 un poids politique.
Lorsque l’Ukraine sort de la compagnie de Cuba, du Venezuela et d’autres États traditionnellement liés à Moscou et La Havane, et se tient aux côtés des États-Unis — ce n’est pas un geste de « courtoisie ». C’est une déclaration stratégique :
nous choisissons ceux qui aident à survivre, pas ceux qui applaudissent à distance.
Israël fait ce choix depuis longtemps.
L’Ukraine — pour la première fois.
La parallèle est évidente :
deux pays sous menace militaire constante montrent que leur cap est la sécurité, pas le symbolisme.
Le Sud global, les États-Unis et la nouvelle architecture mondiale
Ce vote est devenu un marqueur d’une tendance large :
- Le Sud global renforce son autonomie et sa solidarité de bloc.
- Les États-Unis continuent de maintenir une ligne de pression sanctionnelle rigide.
- L’Ukraine et Israël montrent qu’ils se trouvent dans le cadre stratégique occidental.
Cette configuration ne concerne pas Cuba en tant qu’île.
Elle concerne le système mondial dans lequel
le principe « avec qui tu votes » équivaut à « avec qui tu es en guerre et en paix ».
Conclusion
Sur fond de discussions romantiques sur la « solidarité avec le Sud global », dans le monde réel, il reste une question simple : qui aidera ton pays lorsque la sirène retentira et qu’un missile intercepteur sera nécessaire ?
L’Ukraine et Israël y ont répondu à l’avance.
Ce n’est pas seulement un vote diplomatique.
C’est un choix de camp.
Un cap non pas d’idée — mais de sécurité.
