Parfois, le destin d’un pays entier tient dans un document de quelques pages. En novembre 2025, ce document est devenu un plan de « règlement pacifique » en 28 points, que, selon les médias américains, l’équipe de Donald Trump a préparé comme base pour les négociations entre l’Ukraine et la Russie.
Sur le papier, tout semble soigné : cessez-le-feu, ligne de contrôle, négociations plus tard.
Mais si l’on écoute les détails, il devient clair : il ne s’agit pas de paix, mais de silence que l’on veut faire passer pour la paix.
Et l’Ukraine le ressent intuitivement — comme une personne qui a déjà fait confiance aux promesses, puis s’est retrouvée sous les tirs.
La guerre comme toile de fond sur laquelle on propose un « compromis »
Depuis trois ans, les villes ukrainiennes vivent avec des sirènes au lieu de cloches. Les gens ont appris à distinguer les types d’explosions aussi précisément qu’ils distinguaient auparavant les prévisions météorologiques.
Et c’est précisément à ce moment-là, lorsque l’hiver tire à nouveau le front vers le nord et l’est, que la scène politique américaine propose une offre que l’on aimerait appeler « paix », mais qui s’avère être une « pause ».
Le plan de Trump est devenu la nouvelle du jour — mais pas une nouvelle d’espoir.
Ce qui est proposé à l’Ukraine
Les dispositions connues à ce jour ressemblent à ceci :
1. Fixation de la ligne de contrôle de fait.
C’est-à-dire — reconnaissance que les territoires occupés restent sous la Russie au moins jusqu’aux « prochaines négociations ».
2. Le Donbass — hors du cadre du retour « à ce stade ».
En fait — perte de régions en échange d’une pause.
3. La Crimée est exclue de la discussion.
La question est simplement retirée de la formule.
4. L’Ukraine doit renoncer à son orientation vers l’OTAN.
C’est un coup non pas à la politique — mais à la stratégie de survie.
5. Les garanties de sécurité — floues, sans mécanisme.
Des promesses au lieu de protection.

Nouvelle couche inquiétante : langue et Église orthodoxe russe — comme des sujets qui commencent « par hasard » à apparaître
Il y a un autre détail que Washington ne mentionne pas, mais que certains médias et plateformes analytiques mentionnent de plus en plus souvent — surtout ceux qui sont lus à Moscou.
Et il s’agit de deux sujets extrêmement sensibles :
le statut de la langue russe,
la position de l’Église orthodoxe russe et de l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou en Ukraine.
Ces points ne figurent pas dans les versions publiées ou divulguées du document en 28 points.
Cependant, plusieurs publications présentent l’information comme si ces sujets pourraient apparaître dans un « paquet humanitaire », en dehors de l’accord principal, comme la prochaine étape des négociations.
La présentation est douce — « droits à la langue maternelle », « garanties de liberté religieuse », « prise en compte des intérêts des citoyens russophones » — mais quiconque connaît la diplomatie russe comprend :
c’est précisément sous de telles formulations que Moscou tente depuis des années de réintroduire l’influence de l’Église orthodoxe russe et d’élever le statut de la langue russe.
Dans certaines publications, cela est présenté comme si la question de la langue et de l’Église orthodoxe russe ne faisait pas partie du plan principal, mais « pourrait être incluse plus tard », si Kiev accepte de grandes concessions territoriales.
L’Ukraine y voit une répétition directe de la logique de « Minsk » :
d’abord — la ligne de front,
puis — les exigences politiques,
et ensuite — la tentative d’intégrer la langue, l’église, l’amnistie des collaborateurs et les statuts spéciaux dans les points obligatoires.
C’est pourquoi toute allusion à la langue russe et à l’Église orthodoxe russe suscite une réaction si forte :
L’Ukraine comprend que la concession de territoire peut conduire à une pression sur ces questions — « dans le paquet ».
Pourquoi cela suscite de l’inquiétude
À Kiev, on comprend parfaitement : une pause — ce n’est pas la paix.
Un accord fragile — ce n’est pas une protection.
Et un pays qui a survécu aux années 2022–2025 ne peut se permettre le luxe de la confiance.
L’Institute for the Study of War avertit :
un tel plan ne met pas fin à la guerre — il la reporte, donnant à la Russie le temps de reconstituer son armée, de relancer la production de missiles et les cycles de mobilisation.
L’Ukraine a déjà vécu cela.
Et la leçon a été trop douloureuse pour être répétée.
Une pause — parfois une inspiration avant le coup
La politique aime le mot « compromis ».
Mais le compromis est possible entre égaux.
Dans le plan proposé, l’Ukraine reçoit des obligations,
et la Russie — une fenêtre d’opportunités.
Moscou ne rend rien en échange — ni territoires, ni garanties, ni cessation des attaques.
Une paix construite sur des concessions à l’agresseur devient toujours seulement un échauffement avant une nouvelle guerre.
Cela s’applique aussi bien aux points militaires qu’aux points « doux » — langue, église, statuts culturels.
La politique de la fatigue : quand on veut « éteindre » la guerre, pas la résoudre
Il y a un sentiment que le monde trouve commode de ne pas résoudre le conflit, mais simplement de baisser le volume des nouvelles à son sujet.
La fatigue de l’Occident — est réelle.
Le changement de pouvoir aux États-Unis — est réel.
Et le désir de cocher « processus de paix engagé » — aussi.
Mais l’Ukraine ne peut vivre selon les cycles du calendrier électoral d’autrui.
Pour elle, tout « compromis » — ce sont des maisons, des familles et un avenir.
La géopolitique après 2022
Le monde a depuis longtemps cessé d’être le même.
L’Ukraine a prouvé que même un pays sans grandes ressources peut tenir le front contre une grande machine militaire.
Cette réalité ne correspond pas aux formules où l’on donne une pause à l’agresseur et des conditions à la victime.
Si le plan de Trump prévoit la fixation des territoires à la Russie, le renoncement à l’OTAN, et un possible « paquet humanitaire », alors ce n’est pas la paix — c’est une tentative de réécrire les règles de la sécurité internationale.
Ce qui va se passer ensuite : deux scénarios
Scénario 1 : L’Ukraine accepte le plan
Perd des territoires.
Reçoit la menace d’une nouvelle offensive dans 1 à 2 ans.
Ouvre la porte aux exigences idéologiques de Moscou.
En fait — fixe une paix faible qui ne tiendra pas.
Scénario 2 : L’Ukraine refuse
La guerre continue.
Les États-Unis peuvent faire pression.
La Russie intensifie la production d’armes.
Mais l’Ukraine conserve sa subjectivité et sa ligne stratégique.
C’est précisément dans le deuxième scénario que le pays a une chance de préserver l’avenir, et pas seulement le présent.
La paix doit être juste, sinon elle s’effondre
28 points — ce n’est pas une recette de paix.
C’est un document écrit dans la logique « atténuons le conflit », mais pas dans la logique de la justice.
L’Ukraine a depuis longtemps appris : la paix est impossible si elle ne prend pas en compte la vérité.
Et la vérité ici est simple :
— on ne peut échanger un territoire contre une promesse ;
— on ne peut laisser le Kremlin entrer sur le terrain culturel par les « droits linguistiques » ;
— on ne peut réintroduire l’influence de l’Église orthodoxe russe sous couvert de « garanties religieuses » ;
— on ne peut laisser à l’agresseur l’espace pour le prochain coup.
La paix — ce n’est pas une pause.
La paix — c’est quand la menace disparaît, et non reportée.
L’Ukraine le sait trop bien.
